De: Louis SAISI
[louis.saisi@wanadoo.fr]
Envoyé: samedi 30 décembre 2023
20:29
À: louis saisi
Objet: Les formes d’esclavage
successives dans le Nouveau Monde. L’exemple des colonies françaises du 17è au
début du 19è s. par Florence GAUTHIER, historienne des Révolutions de France et de St-Domingue/Haïti (2023).
Importance: Haute
Chers amis,
Nous
remercions à nouveau chaleureusement notre amie Florence GAUTHIER, Maître de
conférence HDR à l'université de Paris VII, et bien connue de nos fidèles
lecteurs, de nous permettre de publier ci-dessous sa toute récente
communication faite lors du séminaire du 7 décembre 2023 : "L'esprit des
lumières et de la Révolution“ portant sur ”Les formes d’esclavage successives
dans le Nouveau Monde. L’exemple des colonies françaises du 17è au
début du 19è s."
Quant
à l'intérêt de son intervention, rappelons seulement que la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant
à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre
l'humanité (J. O. R. F. n° 119 du 23 mai 2001, page 8175), dite «
loi Taubira », dispose dans son article 1er :
"La République française reconnaît que la traite
négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et
l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans
l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes,
malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité."
C'est
qu'en effet la traite négrière à laquelle se livrèrent les puissances
européennes puis du nouveau monde – qualifiée de "crime contre
l'humanité" par la loi précitée – s'est étalée sur pas moins de 4 siècles
(fin du 15ème siècle jusqu'au milieu du 19ème siècle), ce qui constitue une
séquence historique notable dans les relations du centre occidental chrétien avec
sa périphérie constituée par ces terres lointaines dépouillées de leurs
“ressources humaines” au mépris des valeurs humanistes du judéo-christianisme
confirmées et reprises, à la fin du 18ème siècle, par les déclarations des
droits des 13 colonies américaines proclamant leur indépendance et la Grande
Déclaration française des droits l'Homme et du Citoyen de 1789, dans lesquelles
étaient clairement énoncées la liberté
et l'égalité en droits des hommes depuis leur naissance.
L'éminente
universitaire se penche sur les "raisons et les objectifs des colons dans
les changements des diverses formes d'esclavage" et nous invite à explorer
successivement le "système des bossales" né au 16ème siècle et mis en
oeuvre avec le concours des "Royaumes africains islamisés" que l’Afrique
pratiquait depuis le VIIIè s, avec razzia d’Africains, pour fournir
en esclaves l’Empire arabo-musulman. Elle aborde ensuite l’Édit de Colbert de
1685 reconnaissant les “libres” et les “esclaves” mais indifférent à la couleur
et qui engendra des “colons libres de couleur” - à la suite de métissages entre
les colons et les femmes esclaves importées – qui coexistaient avec les “colons
blancs” originaires.
Selon
Florence GAUTHIER, il ne faut pas perdre de vue que "le préjugé de
couleur" apparut plus tard dans la société coloniale lorsque le parti des
“colons blancs” se constitua, entre 1720 et 1760, sur la base radicale de
l’exclusion des « libres de couleur » de certaines fonctions sociales
prestigieuses, ou plus ou moins honorifiques (médecine, judicatures royales,
fonctions militaires).
Louis
XV entérina cette pression des colons blancs : il s'agissait d'"écarter à jamais les gens de couleur
et leur postérité de tous les avantages attachés aux Blancs".
Comme
le montre Florence GAUTHIER, c'est la peur du métissage – lequel avait engendré
le colon de couleur – qui a incité les colons blancs et le pouvoir royal à
ériger un barrage contre ce mélange de couleurs que, faute de vouloir ou/et
pouvoir interdire a priori
par la prohibition de la promiscuité entre hommes blancs et gens de couleur,
l'on s'efforçait d'anéantir par la reconnaissance de droits différents minorés
attachés à la couleur de la peau noire ou au métissage.
Elle
nous montre également les liens entre l'esclavage et, plus tard, au 19ème
siècle notamment, la conquête de l'Afrique cette fois, par les puissances
coloniales européennes installées en Amérique, en même temps qu'elles mettent
fin au système de la traite des captifs africains déportés en Amérique.
Elle
analyse ensuite la rencontre de la Révolution française de 1789, avec celle, à
partir de 1791/1793, de la colonie de St-Domingue en soulignant l'impact des
changements des orientations politiques de la Convention sur la question de
l'esclavage dont le Décret d'abolition voté par la Convention le 4 février 1794
fut l'oeuvre de la Montagne. Mais ce décret, avec la réaction thermidorienne
qui suivit, ne sera en définitive que partiellement et géographiquement
imparfaitement appliqué avant d'être abrogé par le Premier Consul en 1802.
Si
comme le note Florence GAUTHIER, BONAPARTE épousa la cause des blancs et passa
du préjugé de couleur à l'établissement du “racisme biologique”, cela n'empêcha
pas la colonie de Saint-Domingue de continuer à lui résister, malgré
l'emprisonnement de Toussaint LOUVERTURE, et de proclamer enfin son
indépendance en 1804.
Cette
lecture que nous donne Florence GAUTHIER de l'évolution des formes d'esclavage
dans les colonies française, du 17ème siècle au début du 19ème siècle, nous
montre les rapports complexes et fluctuants qu'entretenait le pouvoir politique
central avec les esclaves et les colons blancs ou métissés. Elle annonce
également une nouvelle forme d'oppression des populations autochtones
africaines et plus tard d'Asie qui se révélera lors de la poussée coloniale qui
suivra avec le partage de l'Afrique (entre 1880 et la Première Guerre mondiale)
puis de l'Asie entre les puissances européennes.
Louis
SAISI
Paris,
le 29 décembre 2023
par Florence GAUTHIER, historienne des
Révolutions de France et de St-Domingue/Haïti (2023).
C’est
une question qui m’est apparue intéressante à préciser pour mieux comprendre
les raisons et les objectifs des colons dans ces changements de formes de
l’esclavage.
Comme
on le sait, le roi de France s’est intéressé tardivement à posséder des
colonies et c’est poussé par MAZARIN que LOUIS XIII fit occuper la Martinique
et la Guadeloupe à partir de 1635, puis COLBERT poussa Louis XIV à obtenir la
partie occidentale de l’île de St-Domingue que le roi d’Espagne lui céda en
1697.
Depuis
la découverte du Nouveau monde, en 1492, les autochtones de St-Domingue avaient
été massacrés dès le XVIè s, puis les colons espagnols avaient
introduit la culture de la canne à sucre et la traite des esclaves africains
depuis le XVIè s. Un siècle plus tard, les terres étant épuisées,
les colons espagnols les avaient abandonnées pour coloniser ailleurs [1].
LOUIS
XIV affirme la monarchie propriétaire des colonies : c’est lui qui distribue
gratuitement les terres aux colons, qu’il choisissait au début.
L’évolution
de la population de St-Domingue a connu une énorme progression en moins d’un
siècle, passant de 5.000 esclaves en 1697, à 15.000 en 1715 et 450.000 en 1789.
La population libre était d’environ 70.000 personnes en 1789 [2].
Au XVIIIè s, St-Domingue devint le 1er
producteur de sucre et de café en Amérique : le système
permettait aux colons de faire fortune et St-Domingue devint la Perle des Antilles.
-
Pourquoi les îles étaient-elles recherchées ? Parce que c’étaient des prisons
pour les esclaves, qui limitaient leur volonté de fuir, alors que sur le
continent, la fuite était plus facile. Les colons les appelaient « les îles à
sucre et à esclaves », c’est clairement dit…
Bossale vient de l’espagnol bozal qui signifie : muselière et appartient au
vocabulaire de la domestication du bétail… Le système d’approvisionnement en
esclaves était celui de la traite des captifs africains, vendus comme esclaves,
et déportés dans le Nouveau Monde.
Ce
furent les Portugais qui, depuis le XVè s, étaient entrés dans le
Golfe de Guinée et avaient connaissance de la culture de la canne à sucre par
des esclaves africains, qu’ils introduisent dans le Nouveau Monde, au Brésil
dès le début du XVIè s ; ce fut repris par les Espagnols et ensuite
par tous les colons européens depuis [3].
Un mot sur le développement de la capture d’esclaves en
Afrique.
Les
Portugais avaient connaissance du système arabe que l’Afrique connaissait
depuis le VIIIè s, avec razzia d’Africains, pour fournir en esclaves
l’Empire arabo-musulman qui était un gigantesque empire, s’étendant en Afrique
du Nord, au Moyen-Orient et sur une partie de l’Asie.
Mais,
depuis le VIIIè s, les populations africaines résistaient aux
razzias et apprirent que si elles se convertissaient
à l’Islam, elles ne seraient plus capturées. Alors, des Royaumes
africains islamisés se créèrent et obtinrent le monopole de la traite des
captifs et c’étaient eux qui organisaient les captures et imposaient les termes
de l’échange.
Ainsi,
l’Afrique était divisée en deux types de sociétés : celles qualifiées de
sociétés primitives et ces Royaumes africains musulmans.
Lorsqu’en
1492, C. COLOMB découvrait le Nouveau monde, il chercha à mettre en esclavage
les autochtones, mais n’y parvint pas : les autochtones résistaient et
préférèrent mourir au combat dans les îles ou fuir sur la Terre ferme, même
dans les froides Andes, que de devenir esclaves. Alors, COLOMB fit comme les
Portugais, il imita les marchands arabes et se tourna vers le marché d’esclaves
africain.
La
reine d’Espagne, ISABELLE la Catholique, s’opposa vigoureusement à l’esclavage
dans le Nouveau monde et en 1499, emprisonna COLOMB jusqu’à sa mort en 1506.
Mais les colons espagnols du Nouveau monde ne lui obéirent pas et se tournèrent
vers le marché africain d’esclaves [4].
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Florence GAUTHIER, vous pouvez le faire en cliquant sur le lien ci-dessous
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pour votre aimable attention !
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LS