Les réserves d'eau douce souterraine de la Planète sont mal en point
Selon des estimations de 1993, toute l’eau
terrestre pourrait tenir dans une sphère de 1.385 km de diamètre. L’eau
douce liquide (liquid fresh water) représenterait une sphère
d’environ 272 km de diamètre et enfin, l’eau douce liquide de surface
(lacs, rivières, etc.) occuperait une bille de 56 km (freshwater lakes and rivers).
Sur la Planète bleue, 97,5 % de l’eau est salée (océans…). Sur les 2,5 %
d’eau douce, presque un tiers est souterraine (30,1 %) et seulement 1,2
% est disponible en surface. 68,7 % sont dans les calottes polaires ou
des glaciers. © Howard Perlman (USGS), Jack Cook (Woods Hole Oceanographic Institution), Adam Nieman
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Vue de l’espace, que ce soit à quelques milliers ou des centaines de millions de kilomètres, notre Planète apparaît bleue. « A pale blue dot » (un point bleu pâle en français) selon l’expression de Carl Sagan.
Mais nous ne devons pas nous fier pas aux apparences. L’eau ne
représente en effet que 0,023 % de sa masse totale. En réalité, « (…) la Terre est une brune qui se teint en bleu » résume avec justesse Pierre Barthélémy dans Le Monde.
Il est vrai que concentrée en un endroit, toute
l’eau terrestre tiendrait dans une sphère de 1.385 km de diamètre (soit
un volume global d’environ 1.338 milliards de km3). Si on ne considère que l’eau douce, il reste environ 35 millions de km3 (2,5 % du total)… mais en retirant les glaciers, le pergélisol ou encore l’humidité, l’eau dont nous dépendons — ainsi que l’ensemble de la vie sur Terre —, ne représente plus que 94.000 km3 (c’est-à-dire 0,001 % du volume d’eau total).
Bref, ce n’est plus qu’une petite bille bleue de quelque 56 km de diamètre... À titre de comparaison, Europe ou Ganymède, deux satellites naturels de Jupiter, possèdent chacun plus d’eau que la Terre… Cette molécule que l’on retrouve (presque) partout dans le Système solaire et la Galaxie est malheureusement appelée à devenir de plus en plus précieuse dans notre monde.
13 des 37 plus grandes réserves aquifères terrestres sont en voie d’épuisement
Une équipe internationale qui a travaillé sur des données des satellites jumeaux Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment) a constaté que « environ un tiers des grands bassins d’eau souterraine [ils représentent environ 30 % du volume total d’eau douce, NDLR] sont en voie d’épuisement rapide par la consommation humaine ». Les chercheurs précisent qu’il est encore difficile d’évaluer les quantités restantes. « Les mesures physiques et chimiques disponibles sont tout simplement insuffisantes » a déclaré Jay Famiglietti, professeur à l’université de Californie, soulignant que«
étant donné la rapidité avec laquelle nous consommons les réserves
mondiales d’eau souterraine, nous avons besoin d’un effort global
coordonné pour déterminer combien il en reste ».
En étudiant la distribution des masses d’eau par leurs effets sur la gravité terrestre — mesurée par les deux satellites —, l’équipe a relevé que 13 des 37 plus grands systèmes aquifères
terrestres sont en train de s’épuiser, ne se rechargeant pas
suffisamment. Parmi eux, huit ont été signalés comme étant en stress
majeur (overstressed, en anglais). L’eau puisée pour notre
consommation y est en effet très peu compensée par des
approvisionnements naturels comme les pluies et les rivières. Cinq
autres ont été jugés très proches de cette situation critique.
Les scientifiques s’alarment que plusieurs d’entre eux sont dans des régions très sèches. Le changement climatique
en cours et l’augmentation de la population mondiale n’arrangent rien à
tout cela. Alexandra Richey, qui a dirigé les deux études publiées dans
la revue Water Resources Research, le 17 juin, s’inquiète : «
Que se passe-t-il quand un aquifère très stressé est situé dans une
région avec des tensions socio-économiques ou politiques qui ne peuvent
pas compenser assez vite les baisses de l’approvisionnement en eau ?
Nous essayons de hisser les drapeaux rouges maintenant pour préciser où
une gestion active aujourd’hui pourrait protéger des vies et des moyens
de subsistance dans le futur ».

En
exploitant les données des deux satellites Grace sur la période
2003-2013, des chercheurs ont établi une carte des tendances des volumes
d’eau souterraine disponible pour les 37 plus grands systèmes aquifères
dans le monde. 21 sont considérés en voie d’épuisement, car ayant
dépassé les limites de durabilité. 13 sont classés « en détresse », car « surutilisés » et situés dans des régions souffrant de pénurie d’eau. © UC Irvine, Nasa, JPL-Caltech
Les bassins d’eau souterraine les plus touchés
C’est le bassin d’eau souterraine d’Arabie qui est
le plus menacé selon leurs recherches sur la période 2003-2013. Une
source aquifère dont dépendent pas moins de 60 millions de personnes
rappelle la Nasa
dans son communiqué. En second, vient celui de l’Indus, situé dans le
nord-ouest de l’Inde et au Pakistan. Le troisième plus vulnérable est le
bassin de Murzuk-Djado, en Afrique du Nord.
Les Américains, très inquiets de la sécheresse
sévère qui sévit depuis plusieurs mois en Californie (plusieurs années
de suite), ont relevé que les réserves d’eau souterraine de cette région
sont, sans surprise, surexploitées (irrigation
massive, consommation humaine…). Une situation critique compensée
cependant par quelques apports qui font défaut aux trois premiers cités.
« Comme nous le voyons en Californie en ce moment, nous comptons davantage sur les eaux souterraines durant la sécheresse, souligne Jay Famiglietti, spécialiste des questions de l’eau au JPL qui a cosigné ces recherches. Lorsque nous examinons la durabilité des ressources en eau d’une région, nous devons absolument tenir compte de cette dépendance. »
Un niveau d’incertitude intolérable
Dans le second article publié, les auteurs signalent
que le volume d’eau douce restant dans ces réservoirs est incertain.
Les projections sur leur épuisement sont en effet très difficiles. Les
scientifiques ont constaté que les écarts sont trop importants entre les
mesures et évaluations effectuées à partir des satellites et les autres
données disponibles (qui, dans certains cas, datent de plusieurs
décennies). Dans le système aquifère du Sahara, par exemple, son
tarissement est annoncé au pire dans 10 ans et au mieux dans 21.000 ans.
« Dans une société où l’eau se raréfie, nous ne pouvons pas tolérer
plus longtemps ce niveau d’incertitude, surtout depuis que les eaux
souterraines sont en train de disparaître si rapidement » conclut Alexandra Richey.
La pollution de l’eau
en surface et le tarissement des cours d’eau sont des facteurs
aggravants à cette situation. Les chercheurs rappellent que ces
ressources aquifères sont très difficiles d’accès, donc très coûteuses à
explorer.
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