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Le passeur de lumière
Dans un tout petit
village, perdu au mili
eu d’une immense forêt, vivait un petit
garçon prénommé Jean – Jean.
Jean – Jean appartenait à une très grande
famille de 8 enfants. Tous étaient
des garçons. Et si Jean-Jean était le derni
er, il y avait avant lui : Jean-Pierre, Jean-
Marie, Jean-Paul, Jean-Marc, Jean-Christ
ophe, Jean-Michel et Jean- François.
Depuis des générations et des générations
, dans cette famille là, tous, sans
exception aucune, portaient
un prénom dérivé de Jean. Comme ses frères Jean-
Jean aurait sans doute du s’appeler Jean-S
ébastien ou Jean-Philippe et ainsi porter
un prénom double. Mais voilà, lorsque sa
naissance s’annonça, les parents de Jean-
Jean, qui ne s’attendaient plus à un te
l événement, se trouvèrent à court
d’imagination et déci
dèrent de l’appeler tout simplement, Jean-Jean.
-
« Jean-Jean, Jean-Jean « se répétait-il
depuis sa plus tendre enfance. Et
cela résonnait à ses oreilles comme
un vulgaire diminutif, du genre de
« zou-zou » ou « fi-fi ». Cela lui
rendait le cœur lourd,, lourd......
Chacun de ses frères poss
édait une particularité, qui le rendait unique et
différent des autres : Jean-Pierre était le pl
us fort ; Jean -Marie était le plus beau,
Jean Paul , le plus intelligent. Jean -Marc
était un vrai sportif ;Jean-Christophe un
artiste né ; Jean Michel , le plus pieux, qua
nt à Jean François, il avait l’étoffe d’ un
grand musicien. Jean-Jean, lui, n’avait
aucun don, aucune qualité spéciale, il était
seulement le p’tit Jean-Jean,
dont personne ne se souciait
vraiment, tant il semblait
grandir sans caractéristique particulière.
Que pouvait-il espérer, lui, dont les frèr
es avaient développés les plus belles
qualités qui soient ? Il
ne lui restait qu’à êt
re le p’tit Jean-Jean,
que tout le monde
attendait qu’il soit. Alors Jean-Jean se faisait
tout petit, si petit
qu’on en oubliait sa
présence.
Un jour, occupé à jouer sous la table
du salon, il surprit une conversation entre
ses parents.
- « dis moi », commença la mère, « tous
nos enfants semblent nés sous une
bonne étoile. Chacun parait doué pour une vocation spéciale . Il n’y a que notre
pauvre Jean-Jean qui ne semble révéler aucun
talent personnel. Qu’allons nous bien
pouvoir en faire ? »
A ces mots Jean-Jean tressaillit. Ce qu’il pressentait depuis si longtemps se
concrétisait dans ces quelques phrases.
Sans doute n’était-il bon à rien ! La
sentence tomba comme une malédiction.
Le père répondit, « ai confiance,
ma femme, un jour verra... son tour
viendra... »
Jean-Jean reçu le message de
manière énigmatique. P
ourtant, sans bien en
comprendre le sens, il savait que cela étai
t bon. L’angoisse jaillis
sante s’était éteinte
comme par enchantement. Et il se répétait in
lassablement ces quelques mots : « un
jour verra... son tour viendra. », « un jour
verra... son tour viendra », « un jour
verra... son tour viendra ».
La conversation se termina là dessus.
Par ces mots magiques le père avait
calmé les tourments de sa femme et
tous deux regagnèrent
leurs occupations
habituelles.
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« Un jour verra..... son tour viendra ».
Depuis qu’il avait entendu la phrase inso
lite, la vie de Jean-Jean en avait été
changée. Et Jean-Jean r
egardait venir chaque jour d’
une manière spéciale, comme
si à tout moment sa destinée
allait enfin se retourner, p
our l’entraîner dans un avenir
bénéfique.
Les jours passèrent en tous points se
mblables. Jean-Jean espérait, mais rien
n’arrivait. Jean-Jean regardait, mais rien ne se
dessinait. Au fur et à mesure que les
jours défilaient, la petite phrase perdait en
intensité et Jean-Jean sentait mourir
l’espérance que son père avait fait germer
en lui. Au bout de plusieurs longues
semaines, Jean-Jean ne se souvenait plus du
tout de la phrase
étonnante. Et c’est
là, au moment où il s’y attendait le moin
s, qu’il fit une étrange rencontre.
Par une morne après-midi, pour tromper
son ennui, Jean-Jean se rendit dans
la forêt.
-« Oh là » cria un homme derrière lui.
Jean-Jean se retourna, étonné de r
encontrer un étranger par ici.
-«Vous m’avez appelé ? » répondi
t-il, avec quelque inquiétude .
-« Oui, Toi, attends moi », lu
i cria l’homme tout essoufflé. »
Jean-Jean hésita un instant. Ses parents lui
avaient souvent déconseillé de parler à
un inconnu. Mais la proximit
é du village le rassura. Il
s’arrêta, pour permettre au
voyageur de le rejoindre.
« Tu es bien aimable », lui dit l’h
omme, en s’étouffant dans sa barbe.
Maintenant qu’il s’était r
approché, Jean-Jean dét
aillait son nouveau compagnon. Il
était plutôt petit, légèrement voûté,
il portait une longue bar
be blanche qui lui
mangeait la moitié du visage, et mourait su
r sa poitrine en quelques poils effrangés. Il
se déplaçait lentement en s’appuyant sur un
solide bâton qu’il tenait de sa main
droite, et à la main ga
uche il portait une lanterne.
-« Comment t’appelles-tu, m
on garçon « , demanda l ‘homme.
Jean-Jean devint rouge comme une ci
trouille trop mûre, il aurait voulu
disparaître plutôt que de r
épondre à cette question là.
-« Eh bien, aurais-tu perdu ta langue ?
« reprit-il. « Quel est ton prénom ?
François, Etienne, Jacques, Pierre, Aimé ? »
Les prénoms défilaient comme une litani
e infinie. , Jean-Jean en avait le
tourni. Soudain comme un automate, il répondit : -« c’est ça, oui c’est ça. »
-
C’est ça ? oui, mais lequel ?
-
« Pierre-Aimé « , répondit Jean-Jean. «
Oui, je m’appelle
Pierre-Aimé. «
Le vieil homme prit un air étonné et ravi
. « Un bien joli prénom que celui là.
Jean-Jean acquiesça, en hochant la tête
, ravi de recevoir un si beau
compliment. Puis il se ressaisit
de peur que l’homme ne découvre la
supercherie.
-« Euh, et vous comment vous appelez vous ?
-« Je m’appelle Jean, » dit l’homme.
Drôle de surprise pour Jean-Jean. Il
réussit pourtant à bafouiller quelques
mots.
-« Et vous venez de loin ? «
-« Je viens de nulle part et de partout. En
fait, je vis un jour ici, un jour là, un
jour verra . Je vais où le devoir m’appelle.»
-« Ah bon », dit Jean-Jean, quelque peu étonné, pendant que les mots
continuaient à résonner dans sa
tête. : »un jour ici, un jour
là, un jour verra, ». Tout
ricochait sur un air de déjà entendu. Pourtant
il parvint à articuler :« Mais quel est
votre devoir ? »
3
-« Je suis le passeur de lumièr
e , ton tour viendra.....», dit l’homme.
-« Le passeur de lumière ? « répét
a Jean-Jean incrédule, « mon tour
viendra ? » dit-il de plus en plus surpris. «
Puis il aperçu de nouveau la lanterne. « -A
lors, la lanterne, c’est pour ça ? »
-« En quelque sorte » répondit l’homme
, « parce que les hommes ont besoin
de symbole. Mais la lumière dont je te parle...
-« Elle est cachée dans le cœur, » rép
liqua Jean-Jean. « E
lle est là dans le
cœur, et tu la fais jaillir.
» Jean-Jean était interloqué, il avai
t parlé sans savoir. Et les
mots s’étaient imposés sans qu
’il ne sache comment ni pourquoi.
-« C’est exactement cela. « Tu es donc bien celui que je cherche.
Jean-Jean était abasourdi. Il comprenait s
ans comprendre. Il savait sans avoir
appris. Il sentait bien que le moment tant
attendu était enfin arrivé . Il savait que
c’était un moment unique. Comme un rendez
vous d’amour avec lui même. Il
s’agenouilla aux pieds de l’homme
et dit : « apprenez moi ».
L’homme s’assit près de lui. D’u
n geste digne et doux, il rele
va sa tête et la tourna
vers lui.
-« Comment t’appelles-tu ? »
-
Les yeux de Jean-Jean se mouillèr
ent de larmes. Entr
e deux sanglots, il
parvint à articuler : »Jean-Jean . C’est moi, Jean-Jean. »
-
« Pourquoi vouloir fuir, ton prénom ? »
-
« Je...je croyais que je n’étais rien, que
je ne valais rien. Jean-Jean , c’est
tellement....... »
-
« Unique » coupa l’homme. « Uniq
ue comme toi, comme chacun. Car
chaque homme a une destinée unique et remarquable. Le rôle du passeur
de lumière est de révéler à lui même, celui qui a perdu la foi, en lui. »
Jean-Jean buvait les paroles. Il se trouvait
au début d’un chemin qu’il avait toujours
cherché. Il savait que l’homme disait
vrai. Chaque phrase résonnait au fond de son
cœur, avec la même aisance que si elle l’
avait toujours habité. Pour la première fois,
il naissait à lui même,. Il devenait, celui qu’
il avait refusé d’être : « Jean-Jean ».
L’homme reprit : -»Jean-Jean , un jour ve
rra, ton tour viendra,
Toi, deux fois
Jean, tu seras le prochain passeur de lumièr
e. Telle est ta destinée. Le veux-tu ? »
Les yeux de Jean-Jean brillèrent d’une inte
nsité nouvelle. L’immensité de l’espace se
refléta dans son regard. Il regarda l’homme,
toucha le bâton et ca
ressa la lanterne.
Son visage s’éclaira d’un rayonnement merveill
eux et il répondit : -« Oui, je le veux. »